Débat budget: Discours intégral de José DAMILOT
22/02/2013 10:00
Tout d’abord, je voudrais m’acquitter d’un devoir agréable : remercier le personnel du service des Finances de la Ville pour la qualité de leur travail, également pour leur disponibilité chaque fois que je me suis adressé à eux.
En deuxième lieu, je voudrais prendre une précaution oratoire.
Cela vous paraîtra peut-être paradoxal mais, malgré un âge respectable – je pense que je suis le doyen de cette assemblée –
Je n’en suis pas moins un profane en matière de finances communales.
Aussi, je compte sur votre indulgence s’il devait m’arriver de ne pas respecter les codes en vigueur dans ce genre de débat.
Je me suis documenté comme j’ai pu, j’ai interrogé plusieurs personnes et j’ai essayé de comprendre votre budget au travers une double grille de lecture à savoir :
- comme une photographie d’une situation donnée à un moment donné
- et, à la fois et surtout comme un point d’une trajectoire même si je n’ai pas toujours compris où on essayait de nous conduire puisque les lieu et date de rendez-vous changent sans arrêt.
En fait, mon intervention sera, sur certains points, comparable à celle que je ferais devant un Conseil d’Entreprise.
Car, finalement la Ville est comparable à une entreprise publique.
D’ores et déjà, je ne vous cacherai pas que la lecture du budget a suscité en moi plusieurs interrogations et, hélas, surtout quelques inquiétudes.
Ma première réflexion portera sur la comparaison des budgets 2012 et 2013.
Bien que non élu lors de la présentation du budget 2012, j’avais assisté à la séance du Conseil où il fut débattu.
J’ai encore en mémoire l’optimisme – sincère, je n’en doute pas – de l’ancienne locataire de l’Echevinat des Finances.
Certes, elle ne disait pas : « demain, on rase gratis ! « .
Elle nous avait dit néanmoins : « Tout va bien ; on peut même se permettre de réalimenter le Fonds de Réserve Ordinaire. »
Il est vrai que l’enrôlement accéléré de l’IPP avait embelli de façon substantielle le résultat des exercices antérieurs.
Mais il s’agit d’un élément dont l’importance, selon moi, a été surestimée.
En outre, il brouille encore aujourd’hui le regard qu’on porte sur nos recettes.
Pour les observateurs extérieurs, permettez-moi de tenter d’imager cette bouffée d’oxygène apparue au moment de la confection du budget précédent.
C’est comme si, cette année-là, on avait touché 13/12èmes d’IPP au lieu de 12/12 èmes.
Ou encore, c’est comme si dans le budget d’un ménage, on était passé d’une rémunération payée à terme échu à une rémunération payée anticipativement.
Cela ne joue qu’une fois. C’est du one shot. C’est une opération qui n’est pas loin d’un artifice comptable, artifice dans le sens où cela ne traduit pas une réalité économique et donc financière.
Car après, c’est le retour progressif à une perception normale, une perception beaucoup plus conforme à la réalité.
Je n’apprends évidemment rien à personne mais lors de la discussion de ce budget 2012, j’ai eu le sentiment, l’espace de quelques heures, que la majorité savourait ce petit bonheur, comme s’il était annonciateur de jours meilleurs.
Monsieur le Président,
Le budget de 2013 est d’une toute autre tonalité.
Le service des finances n’intitulait-il pas sa 1ère page de powerpoint : « Un contexte financier difficile « ?
Ce n’est hélas pas seulement conjoncturel, c’est aussi structurel.
Pour ce budget, cela se matérialise en taxes majorées, en réduction de subsides, en politique d’austérité pour le personnel, en optimisme excessif en recettes.
Je trouve d’ailleurs la terminologie utilisée curieuse.
On écrit qu’on a le strict équilibre budgétaire.
Est-ce qu’un ménage utiliserait cette formule si, à la fin du mois ou de l’année, il devait puiser dans ses réserves pour payer ses factures ?
2,5 millions d’euros, c’est la ponction que la Ville fera dans son Fonds de réserve.
Malgré cela, vous vous voulez rassurant mais cela relève, me semble-t-il, de la méthode Coué. J’y reviendrai.
Aussi, déjà, à ce stade-ci, avant d’entrer dans l’analyse des chiffres et sur la simple différence d’atmosphère entre la présentation du budget 2012 et celui de 2013, je me permettrai une simple question : « Est-ce que les budgets sont impactés par les saisons ? ».
Y-a-t-il des budgets en trompe-l’œil de saison avant les élections et des budgets plus austères de saison après les élections ?
C’est ma première question.
Ensuite, pour mieux comprendre la fameuse trajectoire budgétaire, je suis remonté un peu plus loin dans le temps pour voir comment évoluaient les postes principaux du budget tant en recettes qu’en dépenses.
Tout d’abord, j’observe que désormais, c’est le Fonds des Communes qui constitue la recette la plus importante de la Ville.
C’est surtout la recette la plus sûre, elle ne nous réserve pas de mauvaises surprises, elle a même le % d’augmentation annuel le plus important.
Je le signale parce que j’ai souvent entendu dans cette enceinte le reproche selon lequel la Région ne s’acquittait pas bien de ses obligations vis-à-vis de sa capitale.
Bien entendu, comme vous sans doute, je ne dirai jamais que c’est assez mais il me semble que la nouvelle répartition du Fonds des Communes ne nous a pas pénalisés. Cela devait être dit, me semble-t-il.
En parcourant des paquets de données, j’ai découvert une coîncidence curieuse dans les comptes 2010, une coïncidence intéressante pour comprendre comment nous évoluons.
Je vous demande d’y être attentif parce qu’elle reviendra dans mes conclusions.
Cette année-là, les comptes présentaient quasiment l’équilibre entre les additionnels payés par les namurois (PRI, IPP et Auto) d’une part et les dépenses globales de personnel, d’autre part.
66,3 millions de recettes additionnelles pour 66,7 millions de dépenses de personnel, à peine 400.000 euros de différence négative.
Et aujourd’hui, tant la MB 3 de 2012 que le budget de 2013 indiquent que cette différence a explosé.
En 2 ans, l’écart entre ces 2 postes est passé de 400.000 euros à 3,4 millions d’euros, hélas en défaveur des recettes.
Certes, les additionnels ne sont pas dédicacés au personnel et il n’y a pas de lien formel entre ces 2 postes mais le fait qu’ils soient liés tous les 2 à une forme d’indexation, à l’évolution de l’impôt sur le revenu pouvaient laisser croire qu’ils évoluaient parallèlement.
Ce n’est manifestement pas le cas.
C’est inquiétant parce que ces éléments – qui ne sont pas loin de représenter 50 % du budget, tant en recettes qu’en dépenses – constituent un élément important du baromètre budgétaire.
Monsieur le Président,
Il me paraît que nous devrions nous pencher sur ce problème.
A quoi attribuer l’explosion de cet écart en aussi peu de temps ?
A une augmentation trop rapide des dépenses de personnel ?
A un ralentissement des recettes additionnelles des namurois ?
Personnellement, je serais tenté de répondre : « Les 2, mon général « .
S’agissant des coûts de personnel, j’ai été frappé par la hausse significative des coûts de personnel depuis 2010, bien au-delà des coûts liés à l’indexation, aux évolutions barémiques et à la majoration des cotisations pension.
Sans entrer dans le détail, ils représentaient 44,4 % du budget en 2010 pour 46,68 % aujourd’hui.
Je vous rassure tout de suite : on n’a pas octroyé le % sans vous en informer.
Madame Barzin avait bien constaté quelque chose en indiquant, lors du budget 2012, que les dépenses de personnel étaient éloignées de la balise du plan de gestion.
Si elle avait poussé son analyse et je ne doute pas qu’elle l’ait fait, qu’aurait-elle constaté ?
L’augmentation des dépenses de personnel, bien au-delà des augmentations habituelles, est due à une évolution curieuse des effectifs.
En fait, entre le 1.1.2010 et le 1.1.2013, les effectifs ont augmenté de 5 %.
EnETP, cette augmentation est même supérieure à 7 %.
Certes, on dira que la moitié de cette augmentation était liée à l’embauche de win-win.
Mais, d’une part, la moitié de ces win-win est devenue contractuelle et d’autre part, dans les chiffres du 1.1.2013, il ne reste plus que guère de win-win, il suffit de regarder ce qui a été budgété pour ce poste.
Monsieur le Président,
Ce n’est pas un syndicaliste qui va vous faire le reproche d’embaucher mais, avec le respect que je vous dois, ce n’est pas à quelqu’un qui a pratiqué le dialogue social toute sa vie qu’on enjolive facilement la réalité sociale
J’ai 2 raisons de ne pas applaudir à cette politique.
1ère raison : Vous avez affirmé avec une constance que je vous reconnais – c’est une qualité à mes yeux – que vous préfériez embaucher plutôt que d’octroyer le %.
J’observe donc que, contrairement à ce que déclaraient les échevins concernés de l’époque – du Personnel et des Finances – que le refus du % n’était pas lié à un manque de moyens mais à un autre choix que vous avez fait.
Sur le principe, je n’ai pas de souci, il m’est arrivé de privilégier l’emploi au pouvoir d’achat.
Ce qui me gêne, c’est qu’en agissant de la sorte, vous dénaturez un accord social.
En outre, arguer de ce que le Fédéral prône l’austérité salariale pour justifier le refus du %, c’est un trait d’esprit qui n’est pas digne de vous.
Le % relève d’une convention vieille de 6 ans, pas de décembre 2012.
Vous savez, dans un pays où la concertation sociale constitue un des socles du vivre ensemble et même si aujourd’hui, elle paraît enrhumée, je pense que c’est une erreur de modifier le choix des interlocuteurs sociaux.
2ème raison : la plus importante en termes de gestion.
Pendant 2 ans, vous avez engagé au point d’avoir un pourcentage d’accroissement des effectifs sans pareil dans la région namuroise.
Et maintenant, brutalement, vous décrétez le dégraissage au rythme d’un remplacement pour 2 départs.
C’est une très mauvaise politique de gestion des ressources humaines.
C’est du up and down.
J’espère que ces recrutements operés in illo tempore suspecto n’étaient pas liés à des soucis peu avouables, un système qu’un grand économiste a qualifié de démocratie moyennageuse.
Cela, c’est pour le personnel, des dépenses surgonflées pour une politique à tout le moins contestable.
Monsieur le Président,
A l’exception du Fonds des Communes, je suis inquiêt, sur l’évolution des recettes de la Ville.
Et pour rester dans la coïncidence évoquée ci-avant, j’ai essayé de comprendre l’évolution des recettes IPP et PRI.
Tout d’abord, les recettes IPP.
Je reconnais la difficulté de comparer année après année l’évolution de cette recette vu l’effet de l’accélération de l’enrôlement qui est venu chambouler le rythme de sa rétrocession.
Je voudrais vous inviter à faire l’exercice suivant :
Au cours des 6 dernières années, mis côte à côte, on voit que les recettes IPP ont bien augmenté.
Mais si vous neutralisez les 7 augmentations d’index et les 14,86 % d’augmentation du taux, 2 éléments qui n’ont rien à voir avec l’évolution de la richesse collective des namurois, vous verrez que la croissance réelle est molle et je suis optimiste en parlant de croissance.
Ensuite, les recettes PRI.
Celles-ci, à la différence de l’IPP, n’ont pas été parasitées par le Tax-on-Web.
Ces recettes augmentent mais ici aussi, si vous neutralisez la hausse de l’index cadastral, vous constaterez qu’elles stagnent en euros constants.
Et la tuile Belgacom – que je ne sous-estime pas n’explique que partiellement cette évolution.
Je trouve d’ailleurs assez étonnant que les prévisions budgétaires dans ce domaine se révèlent, ces dernières années, toujours trop optimistes par rapport aux résultats.
Ainsi, pour les exercices 2009, 2010, 2011 – dont on a les comptes – on a constaté cumulativement pour les 3 exercices un résultat inférieur de 2,563 millions aux prévisions budgétaires.
Et les trois fois, le service des Finances a écrit : « L’enrôlement n’est pas en cause puisque les créances de la Ville sur l’Etat diminuent. »
Je pourrais verser dans la technique, je ne le ferai pas mais je suis convaincu qu’on aura encore le même problème en 2012 et 2013, les éléments fournis pour l’estimation me paraissant surévalués et je ne parle pas de ceux retenus pour les prévisions budgétaires.
Je pense d’ailleurs que vous partagez ce sentiment quand vous indiquez que pour 2013, la croissance est inférieure à celle du passé et qu’elle aurait même été quasi nulle sans la compensation du plan Marschal.
Monsieur le Président,
Je suis persuadé que nous avons un problème structurel de recettes et j’espère que vous vous pencherez sur les remarques que j’ai formulées.
J’en suis d’autant plus convaincu quand je vois l’évolution des taxes et redevances.
Pas de hausse fiscale excessive, avez-vous dit au personnel dans votre présentation des vœux.
J’observe néanmoins que vos prévisions budgétaires font état d’une recette de 19,977 millions alors qu’en 2012, vous aviez budgété 18,145 million.
Globalement, c’est une hausse de 1,830 million, soit plus de 10 % . C’est donc très sensible.
Bien entendu, c’est le relèvement de la taxe de raccordement à l’égout qui impressionne le plus, de 18 à 36 euros, qui impressionne d’autant plus que la taxe de raccordement à l’égout pour les commerces n’augmente pas.
Elle est même inférieure de 23.000 euros aux droits constatés en 2011.
2 poids, 2 mesures ?
S’agissant de la taxe sur les pylones et antennes GSM, c’est l’inverse, vous budgétez 100.000 euros alors que les droits constatés pour 2011 étaient de 145.000 euros.
C’est pour amadouer Belgacom dans le litige du PRI ?
Dans les dépenses, il y a aussi des évolutions curieuses,
Ainsi, les dépenses de fonctionnement.
Vous dites les réduire de 800.000 euros, soit de 3% mais de façon particulière pour plusieurs d’entre elles.
3 exemples :
- vous réduisez de 177.000 euros vos dépenses en frais d’organisation des fêtes de Wallonie mais vous augmentez de 183.000 euros les frais d’organisation d’événements festifs.
- Vous réduisez de 183.000 euros les frais d’animation et promotion de la Citadelle mais vous augmentez de 158.000 euros le subside à l’ASBL Comité Animation Citadelle.
- Vous réduisez de 177.500 euros les actions environnement parce que la recette en subvention diminue de 169.425 euros.
J’ajoute que cette pseudo réduction vient après une hausse des frais de fonctionnement de 9 % par rapport à 2011.
S’agissant des crédits de soutien aux associations, d’autres collègues mettront en exergue certaines évolutions incompréhensibles.
J’ai vu également dans beaucoup d’attendus, la notion « Vu la situation financière », je pense que c’est révélateur de nos problèmes.
Avant de conclure, permettez-moi encore quelques mots sur le Fonds de Réserve et les prévisions budgétaires.
Pour le Fonds de réserve,vous prévoyez une ponction de 2,560 millions en indiquant que depuis son origine, la ponction annuelle moyenne est de 884.000 euros.
Il y a quelques semaines, dans la MB 3 de 2012, vous indiquiez que la ponction annuelle moyenne était de 441.000 euros.
On est donc passé du simple au double en 100 jours, et selon, moi, la fonte n’ira qu’en s’accélérant.
Enfin dans les prévisions budgétaires, vous faites état d’une réduction du Fonds de Réserve de 3,612 millions d’euros d’ici l’équilibre.
Il me paraîtrait plus correct de parler d’une réduction de 6,172 millions car les 2,560 millions de 2013 constituent également une prévision.
Enfin, on ne peut passer sous silence les prévisions budgétaires - d’abord - en matière de personnel.
Au passage, , vous verrez qu’en appliquant le % aux dépenses prévues en matière de personnel, on arrive à 4,9 millions et non 6 millions de coûts supplémentaires.
Ensuite,et pour jouer dans le même registre que vous – registre qui consiste à donner des montants de dépenses sur l’ensemble d’une législature pour que ça claque, j’ai calculé que le personnel contribuera à hauteur de 19,824 millions d’euros aux mesures d’économie, 4 fois plus que le coût du % pour le personnel sur la législature.
Donc, non seulement, vous n’octroyer pas le % au personnel mais, en outre, vous économisez sur leur dos près de 20 millions. L’addition est salée : 25 millions d’euros ou 1 milliard de francs.
A ce niveau, c’est du racket.
Le personnel doit être reconnu, disiez-vous dans la déclaration de politique communale.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que vous ne l’avez pas loupé.
Enfin, les prévisions en matière de recettes fiscales me paraissent relever d’une croyance aux miracles.
On passerait de 86,2 millions réellement enregistrés dans les comptes en 2011 à 105,8 millions en 2018..
19,6 millions en plus en 7 ans et toujours pour rester dans votre registre, la charge fiscale des namurois augmenterait de 70 millions sur la durée de la législature.
A mon avis, vous n’avez pas entendu parler de la crise.
A moins que les exilés fiscaux français ne viennent construire à Namur et y payer leurs impôts.
Après tout, on ne sait jamais, sur un malentendu.
Pour conclure,
J’ observe que l’équilibre programmé pour 2015 est reporté à 2018.
2018, année des Jeux Olympiques ? Non, des élections communales !
On en revient toujours à la météo budgétaire.
Bien entendu, certains diront que à partir de 2015, ce n’est que 500.000 euros sur 160 millions, que c’est très relatif.
A cela je rétorquerai qu’avec la même théorie de la relativité, le % d’augmentation du personnel ne représente que 0,45 % du budget.
J’observe d’ailleurs – et je reviens à ma coîncidence repérée dans l’exercice 2010 –que dans les prévisions budgétaires, on retrouverait l’équilibre entre les recettes fiscales et les dépenses globales du personnel dès 2015.
Curieux, non ?
Très sincèrement, je pense que la situation financière de la Ville présente de nombreuses incertitudes qui m’incitent à poser un pronostic pessimiste.
J’insiste sur la nécessité d’analyser en profondeur l’évolution de nos recettes additionnelles.
Ce sont celles qui révèlent l’évolution de la force contributive des namurois, tant dans leurs revenus du travail que dans leur patrimoine.
Elles me semblent témoigner d’une croissance et d’un développement à l’arrêt.
Or, nous pratiquons déjà des taux supérieurs à la moyenne régionale.
Je pensais vous dire que Namur s’était endormie mais cela a déjà été dit par des experts d’un tout autre niveau..
Aussi, pour moi, lePNBrisque de stagner pendant plusieurs années et les namurois mis à nouveau à contribution, le PNBétant le produit namurois brut.
Merci de votre attention